Les sites dédiés aux retraites de jeûne affichent des retours d’expérience positifs et des images séduisantes, contrastant fortement avec la vision traditionnellement sévère du jeûne. Mais quelles réalités se cachent derrière ces séjours ? Sont-ils accessibles à tout un chacun ? Les avantages promis sont-ils réellement au rendez-vous ? Une investigation s’impose.
Les séjours de jeûne extrême, qui consistaient à ne consommer que de l’eau pendant plusieurs semaines, se font rares aujourd’hui à cause de quelques incidents sérieux.
À l’opposé, les formules inspirées par Otto Buchinger, un médecin allemand qui a vulgarisé cette pratique il y a un siècle, sont en vogue. Ces programmes durent 6 à 7 jours et accueillent des groupes restreints. Ils se caractérisent par un apport calorique journalier inférieur à 250 calories, principalement sous forme de jus frais et de bouillons, avec une consommation libre d’eau et de tisanes.
Ces séjours incluent également des activités physiques variées comme la randonnée, le yoga, le tai-chi, la danse, entre autres.
Déroulement d’un séjour de jeûne
La structure de ces séjours est souvent similaire d’un programme à l’autre.
Avant le séjour
Il est recommandé de préparer son corps la semaine précédant le séjour par une « descente alimentaire » : diminution progressive de la consommation d’alcool, de café et de thé, des protéines animales, puis des féculents, céréales et produits laitiers, pour finir par ne manger que des fruits et légumes les deux derniers jours.
Pendant le séjour
Le matin commence avec un éveil du corps par des étirements, de la gymnastique douce ou du yoga, suivi d’un jus frais. Ensuite, place à 2 à 4 heures de randonnée.
- L’après-midi est libre : possibilité de faire une sieste, lire, se baigner ou participer à d’autres activités proposées par le centre telles que méditation, étirements, soins corporels, consultations de naturopathie, sophrologie. Certaines activités sont incluses dans le prix, d’autres non.
- En fin de journée, vers 18/19 heures : un bouillon de légumes est servi, suivi par d’autres activités pour ceux qui le souhaitent, comme des discussions entre participants ou des conférences sur le jeûne, la nutrition et le bien-être en général.
Après le séjour
Il est conseillé de réintroduire progressivement les différents groupes alimentaires chez soi, en suivant une « remontée alimentaire » similaire à la descente pré-jeûne, sur une période d’au moins une semaine.
Bienfaits annoncés d’un séjour de jeûne
Les avantages d’un séjour de jeûne sont nombreux et varient d’un centre à l’autre, mais certains reviennent fréquemment :
- Réparation et renouvellement des cellules ;
- Detoxification de l’organisme ;
- Rétablissement des fonctions vitales affaiblies ;
- Renforcement du système immunitaire ;
- Perte de poids ;
- Amélioration des douleurs articulaires ;
- Effet rajeunissant ;
- Réduction de l’inflammation ;
- Rééquilibrage de la flore intestinale.
Sur le plan psychique, les bienfaits comprennent souvent une meilleure humeur, une clarté mentale améliorée, et un sentiment de paix intérieure. Certains centres avancent même que le jeûne peut aider à surmonter la dépression, combattre les addictions, améliorer la fertilité, l’asthme, les allergies, le cholestérol, l’hypertension et le diabète.
Véracité des bienfaits du jeûne : ces promesses sont-elles tenues ?
Pour étayer leurs affirmations, les centres se réfèrent souvent à des études menées sur des cellules ou des animaux. Toutefois, comme le souligne le Dr Bruno Raynard, nutritionniste, bien que certains résultats soient prometteurs, il est difficile de les extrapoler à l’homme dont les facteurs environnementaux et comportementaux sont bien plus complexes.
Même si certains résultats sont intéressants, il n’est pas possible de les généraliser à l’homme. Dr Bruno Raynard, nutritionniste.
Quelques études cliniques sur l’homme ont été menées, dont une à la Clinique Buchinger Wilhelmi en Allemagne, publiée en 2019 dans PLOS One. Les 659 participants qui ont jeûné en moyenne 5,4 jours ont perdu (en moyenne) 3,2 kg et 4,6 cm de tour de taille. Leur tension artérielle a également baissé, et ils ont rapporté une amélioration de leur bien-être physique et mental.
Une étude chinoise incluant 2 054 participants (publiée dans Obesity, juin 2023) confirme globalement ces résultats. « Dès lors que l’on dépense plus de calories que l’on en consomme via des activités physiques, il est logique que l’on perde du poids, et probablement plus au niveau de la masse grasse car le jeûne mobilise les réserves adipeuses », explique le Dr Raynard.
Autres bienfaits du jeûne : sont-ils prouvés ?
En l’absence d’études rigoureuses, il est impossible de confirmer ou d’infirmer ces autres bienfaits.
Il est difficile d’évaluer médicalement les effets du jeûne car il n’est pas possible de réaliser des essais contre placebo, les participants sachant qu’ils jeûnent. Dr Jacques Rouillier, cofondateur de l’Académie médicale du jeûne.
Le contexte influence-t-il les résultats ?
Il est probable que l’amélioration de l’humeur, souvent citée dans les témoignages, soit influencée par le cadre. « Le contexte naturel, la dynamique de groupe, la mise en pause des sollicitations quotidiennes, le fait d’être plus à l’écoute de ses propres sensations et de pratiquer une activité physique régulière contribuent sans doute à cet effet », estime le Dr Rouillier.
Durabilité des bienfaits d’un séjour de jeûne
Il n’existe pas d’études de suivi permettant d’évaluer la durabilité des bénéfices éventuels. « On peut supposer que si, après le séjour, on adopte ou on maintient de bonnes pratiques hygiéno-diététiques, en limitant les sucres, les graisses, les produits ultra-transformés, l’alcool, le sel, et en augmentant la consommation de fruits, de légumes et l’activité physique, on pourrait diminuer le risque de développer de nombreuses maladies », suggère le Dr Raynard.
Cependant, sans une attention continue à notre hygiène de vie, les risques à moyen ou long terme ne sont pas écartés. Selon la Dre Cécile Bétry, médecin nutritionniste, le problème est que les risques potentiels ne sont pas mentionnés sur les sites : « notamment celui d’induire ou d’accentuer un trouble du comportement alimentaire, surtout chez des personnes déjà vulnérables ».
De plus, on sait que les régimes hypocaloriques ne sont pas efficaces à long terme.
Une perte de poids dans ce contexte expose à un effet yo-yo, c’est-à-dire une reprise de poids plus importante. Dre Cécile Bétry, médecin nutritionniste.
Viabilité physiologique d’un séjour de jeûne
« Indépendamment du poids, de la taille et du sexe, le corps humain peut s’adapter en modifiant son métabolisme face à une restriction calorique », précise la Dre Bétry. « Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas de risques, même lors d’un jeûne court. Et plus le jeûne se prolonge, plus les risques pour la santé augmentent, en particulier au-delà de 2-3 semaines, avec un risque de carences en vitamines et de séquelles neurologiques irréversibles, voire de décès ».
En ce qui concerne la combinaison jeûne et activité physique, il est important de noter que ces séjours proposent des randonnées douces adaptées au jeûne. « Les premiers jours, il est normal de ressentir certains malaises mineurs que les accompagnants sont censés pouvoir gérer », explique le Dr Raynard. « Mais si ces symptômes persistent, ou si l’on ressent une faiblesse musculaire croissante, il est préférable d’interrompre le jeûne ».
Contre-indications à un séjour de jeûne
Certaines conditions sont incompatibles avec le jeûne : maigreur excessive, diabète de type 1, grossesse et allaitement, insuffisance rénale, maladies auto-immunes, cancer…
De plus, certains médicaments peuvent poser problème : anti-inflammatoires non stéroïdiens, anti-hypertenseurs, antidiabétiques, antiépileptiques, anticoagulants, psychotropes. Il est essentiel de ne pas interrompre son traitement sans avis médical.
Critères à considérer avant de réserver : Le site ne doit pas présenter le jeûne comme une solution préventive ou curative pour des maladies. Il ne doit pas non plus dénigrer la médecine conventionnelle. Assurez-vous que le centre appartient à un réseau reconnu, car ses encadrants sont formés à l’accompagnement du jeûne (Fédération francophone jeûne et randonnée, Jeûne & Bien-Être, Eco-Jeûne, etc.).
Coût d’un séjour de jeûne
Les prix varient considérablement en fonction du centre, de l’emplacement, de la saison et du type d’hébergement. En France, les tarifs oscillent entre Articles similaires